Une histoire vécue qui pose des questions ?
C’est l’histoire d’une recherche menée entre 2012 et 2016 auprès de donneurs de sang qui ont été diagnostiqués séropositifs pour le VIH après analyse de leurs dons.
Cette situation était contemporaine d’une mise en cause par le milieu homosexuels de l’interdiction faite aux hommes ayant des pratiques sexuelles avec d’autres hommes (HSH) de donner leur sang.
L’EFS savait que certains donneurs ne disaient pas tout et que certains donneurs diagnostiqués a posteriori comme séropositifs au VIH se révélaient homosexuels, ce qu’ils avaient caché lors de l’entretien et du questionnaire pré-don.
Cette situation reconnue mettait en danger le principe de risque zéro, basé sur les tests biologiques des dons mais aussi en partie sur une théorie de sécurisation forte conférée par un entretien médical et un questionnaire menés par des médecins "du prélèvement" avant chaque don de sang.
J’étais jusqu’au début 2014 directeur des études et de la prospective à l’EFS et j’ai lancé l’élaboration en 2012 de cette étude en partenariat avec l’équipe en charge de la surveillance épidémiologique de la sécurité transfusionnelle à l’InVS (maintenant Santé Publique France).
J’ai été un des pilotes du protocole et du design de l’étude, en raison en particulier de mon passé de chercheur en épidémiologie clinique et évaluation, en collaboration avec une professionnelle de l’InVS et une chercheuse de l’INSERM. Le protocole était ensuite discuté dans un groupe de pilotage élargi en charge du suivi épidémiologique de la transfusion sanguine (groupe multi institutionnel, EFS, InVS, INTS, Centre de transfusion des armées, DGS, ANSM).
L’étude a été validée par les instances éthiques de recherche et par les partenaires techniques et financiers en 2012-2013.
Et puis… j’ai été débarqué de l’EFS fin mars 2014.
L’étude a suivi son cours, souvent mise en avant institutionnellement pour dire que ce problème était reconnu et en cours d’étude.
Je n’ai jamais eu la moindre information, la moindre proposition de participer sans attache institutionnelle à un travail que j’avais pourtant commencé et dont il m’a été dit plusieurs fois qu’il n’aurait pas existé sans mon apport.
L’étude est arrivée à son terme et a été publié dans une revue scientifique à comité de lecture, comme toute recherche bien conduite ( Téléchargement Article transfusion donneurs positifs).
J’ai droit à un remerciement en fin de publication : “We also thank Yves Charpak who was one of the initiators of this study ».
Je comprends bien qu’une fois hors d’une des institutions promotrice de l’étude, je n’avais plus de légitimité institutionnelle. Et ce d’autant plus qu’une action prud’homale était en cours (gagnée de mon côté il y a peu).
Mais il me semble qu’en matière de recherche, il existe un niveau incompressible de « propriété intellectuelle », même si cette dernière n’est pas formalisée par un brevet ou un document juridique d’apport d’idée.
N’aurait-il pas été plus « aimable » et déontologique que je garde une place dans le suivi de l’étude, la réflexion, l’analyse et la publication des résultats ?
Je mets ça sur la place publique pour participer aux nombreux débats en cours sur les bonnes pratiques et l’éthique scientifiques et leurs aléas.
Les commentaires récents