Ma présentation à la Mairie du 6ème arrondissement de Paris le 22 novembre 2016
Mesdames, Messieurs,
Je ne suis pas un spécialiste de ce domaine de la fin de vie, mais j’ai eu à rencontrer des sujets d’éthique dans ma carrière professionnelle. Comme chercheur en évaluation des médicaments, lors de la mise en œuvre des lois sur l’expérimentation humaine, puis comme évaluateur de la mise en œuvre de la loi Huriet-Sérusclat. Enfin, en travaillant avec Daniel Annequin, de l’hôpital Trousseau, sur la douleur chez l’enfant, lorsqu’il m’a expliqué que dans le passé on pensait que les prématurés ne souffraient pas puisqu’il ne pleuraient pas, avant de découvrir qu’ils mourraient de douleur lors des actes fait sans anesthésie sur eux !
Mais je suis un spécialiste de la santé publique, c’est à dire de la santé des populations et pas des individus. Et à ce titre je m’intéresse aux chiffres, aux volumes et à l’importance quantitative des problèmes. Pas les situations individuelles, pas les études de cas, mais ce qui se passe pour tous les parisiens du 6è, pour les habitants de Paris, de France et même du monde parfois.
L’éthique de la fin de vie, je schématiserai en disant que c’est la possibilité pour chaque citoyen de choisir le moment venu les conditions de sa mort, c’est à dire la possibilité de choisir peut-être le moment où il faut s’arrêter de prolonger la vie qui se finit, le moment où il faut pouvoir refuser les prolongations proposées par les professionnels, où il faut aussi parfois être aidé pour passer le cap …
Qui est concerné ? : Il y a environ 600 000 morts par an en France… pour moi ça veut dire 600 000 fins de vie.
Combien d’entres elles sont « accompagnées », soutenues, facilitées s’il le faut ? : 60% des décès ont lieu en milieu hospitalier, 12% ont lieu en maison de retraite, 27% ont lieu à domicile, 1% ont lieu sur la voie publique. On ne choisi pas toujours le lieu, mais avez-vous une préférence ?
Si l’accompagnement d’une bonne fin de vie doit être médicalisé, il serait probablement trompeur de penser qu’aujourd’hui la fin de vie des deux Français sur trois qui meurent à l’hôpital est mieux aidée que celle des autres.Car nous avons tous des exemples de fin de vie peu souhaitables à l’hôpital. Un rapport de l’IGAS à la fin des années 2000 a mis le feu aux poudres. Les inspecteurs de l’inspection générale de l’action sanitaire et sociale, ont expliqué que les décès des personnes âgées à l’hôpital avaient souvent lieu dans des couloirs, sur des brancards oubliés de tous, sans accompagnement car transférés seuls aux urgences… Une fin de vie certes hospitalière et donc « médicalisée », mais pas de celle dont on parle ici...
L’éthique doit donc s’en mêler. Pas seulement pour les jeunes enfants malades, pas seulement pour les maladies chroniques bien accompagnées médicalement et socialement…
Car n’oublions pas que parmi les 600 000 morts chaque année, l’âge est une composante essentielle : Entre 60 et 70 ans, j’y suis, c’est 1% de chance de mourir par an. Entre 70 et 80 ans, c’est 2% par an. Entre 80 et 90 ans, c’est 6% par an. Après 90 ans, on passe à 18% par an, presque une chance sur 5.
C’est ce qui fait qu’on a tous en tête que la fin de vie arrivera, mais le rêve est que ça arrive plutôt sans souffrance, la nuit, au milieu du sommeil… sans y réfléchir. Et pourtant y réfléchir à l’avance, s’y préparer et en préparer les conditions lorsqu’il est temps d’y penser est probablement la meilleure façon de le faire au mieux.
Mais avec qui, vers qui se tourner ? Aujourd’hui ça ne fait pas parti de la formation des professionnels de santé, médecins, infirmiers et autres. Et ils ont autre chose à faire en général, justement se concentrer sur les prolongations de la vie, parfois encore à tout prix. Et c’est bien ce qu’on attend d’eux aussi par ailleurs. Pas facile.
Alors il y a l’approche par spécialité, par les maladies qui sont les causes de la mort et qui expliquent quels spécialistes nous entourent au moment où elle arrive. On en sait quelque chose par les certificats de décès. Mais ça nous embrouille un peu aussi, car quand on meurt on a souvent plusieurs causes inscrites sur les certificats de décès. Parfois aucune cause n’est notée, dans 10 % des cas. Et si c’était le mieux ? Ca veut dire qu’on n’a pas eu le temps de savoir, dont c’est arrivé probablement vite, pas le temps d’y penser.
Les morts avec une seule cause ne représentent qu’un cas sur cinq : 22 %. Autour de 22% aussi avec deux causes, trois causes et quatre causes.
On sent bien, en écoutant parler d’éthique et de fin de vie, qu’il y a des spécialistes de la question et des maladies pour lesquelles la réflexion sur la fin de vie est plus avancée que pour d’autres. Malheureusement on ne choisi pas sa spécialité pour mourir.
Il y a d'abord les causes de mort qui vous tombent dessus sans préparation… Les 3500 morts par accidents de la route, les 6500 morts par chute, les 400 par homicide… En fait toute la traumatologie et la réanimation où pourtant se pose la question de l’arrêt des soins, car on sait médicalement prolonger longtemps des situations entre la vie et la mort…
Il y a une catégorie à part, les morts volontaires, les 10 000 suicides identifiés… Il y en a probablement plus.
Et puis il y a des disparités aujourd’hui dans l’attention que les spécialistes de la fin de vie portent à diverses circonstances de la mort. Et ça n’est pas une critique. Un constat, lié à la rareté des compétences et des moyens disponibles, forcément concentrées sur les situations les plus douloureuses, les plus visiblement en besoin. Zone de polémique, mais je souhaite l’évoquer pour dire qu’il ne s’agit pas de revenir en arrière là où on fait bien, mais de réfléchir à apporter aussi les avancées de la réflexion sur la fin de vie là où ça manque.
On n’évoquera pas l’éthique et la fin de vie aujourd’hui de façon identique pour les 450 morts annuelles du SIDA que pour les 500 de la tuberculose ou les 600 morts d’hépatites.
Les 150 000 morts de cancer ont probablement plus de chance de croiser des aides à la fin de vie que les 150 000 morts de maladies cardio-vasculaires ou les 10 000 morts de maladies chroniques respiratoires, ou encore les 20 000 morts de troubles mentaux et du comportement.
Et je ne dirai rien de ce malaise de notre société autour des maladies neuro-dégénératives
Mon message est aujourd’hui le suivant : oui il y a aujourd’hui une avancée majeure apportée dans la réflexion sur l’éthique de la fin de vie, sur un accompagnement professionnel de cette fin de vie, mais l’ensemble reste un peu confidentiel au regard du besoin de tous ceux qui meurent chaque année.Tous n’ont pas besoin d’aide, mais beaucoup n’ont pas l’aide dont ils auraient besoin. Bien sur, on ne mettra pas un spécialiste au pied du lit de mort de chacun, les moyens n’y sont pas et ça n’est pas forcément la solution pour tous. Mais il y a peu de réflexion et de débat large dans nos sociétés sur ce que l’on souhaite, sur la fin de vie pour tous… alors comment faire autrement, comment construire ou reconstruire une approche sociétale de la mort ?
Il faut parler de la mort et en débattre. Un sujet pré-électoral ?
La fin de vie est une actualité quotidienne. Surtout ne laissons pas aux autres de régler ce moment important. Il est possible maintenant de se servir des nouvelles technologies comme une application mobile pour prévoir ce que l'on veut. La personne de confiance ou les personnes seront là pour faire respecter vos souhaits. " Ma vie mes Souhaits" est disponible sur les stores. Pour en savoir plus. https://youtu.be/JlD_LHAtYh4
Rédigé par : Patrick | 01 avril 2019 à 09:13