Ou encore, comment aborder sereinement tous les aspects de ces consommations humaines, dont les risques pour la santé. Il faut rappeler pour commencer le paradoxe de ceux qui nous gouvernent, qui aimeraient bien (en général) œuvrer pour la bonne santé des citoyens, mais qui ne veulent surtout pas pénaliser le remplissage des caisses de l’Etat, surtout en période difficile… Et justement ces secteurs d'activité rapportent, par les taxes spécifiques qui sont prélevées, par les succès à l’exportation qui génèrent de l’impôt, par l’emploi, etc.
Et puis les citoyens eux-mêmes sont ambigus, entre les choix de plaisir et de « culture » ou de « tradition perçue » et les limites qu'ils ne perçoivent pas toujours clairement encore en raison des risques de ces mêmes habitudes pour leur santé.
Et il faut parler enfin ceux de qui vivent de la production de ces risques, qui légitimement souhaitent vendre leurs produits présents légalement sur le marché, mais qui bien souvent s’engagent aussi dans de la communication et de la promotion de leurs produits largement « en dehors des clous » auprès des citoyens les plus fragiles, enfants et adolescents (le tabac, un exemple), mais aussi les citoyens les plus pauvres et en difficulté d’insertion entre autre… le tout en déclinant en particulier leur communication sur les notions de modernité, de liberté, d’anticonformisme, d’auto-détermination, de « complot » de la part des institutions « officielles », des "autorités", justifiant de s'y opposer.
Les organisations internationales développent avec les ministres de la santé de leurs pays membres des plans d’actions internationaux, des engagements que personne ne respecte ensuite au niveau national car, quel est le poids politique en fin de compte d’un ministre de la santé face à ses collègues qui tiennent les bourses des pays ?
Les gouvernants au plus haut niveau peuvent bien s’engager au sein de l’Assemblée Générale des Nations Unies (déclaration de 2010 pour la lutte contre les maladies non transmissibles) ou au sein de l’OMS (Convention Cadre pour la Lutte Antitabac, CCLAT), ils oublient vite leurs promesses au retour aux affaires de leurs pays.
Et quand cela se superpose en plus à une «défiance » nationale et quasi institutionnelle envers tout ce qui risque de nous faire perdre « de la souveraineté » (et nous sommes champions), comment faire sérieusement le travail en commun avec les autres pays, dans l'idée de l’atteinte de consensus qui forcément oblige à modifier nos perceptions et nos actes ? dès lors, il devient difficile d’agir auprès de secteurs d’activités économiques qui sont d'emblée internationaux, multinationaux, mondialisés. L’action nationale, même gouvernementale, d’un seul pays a forcément peu d’impact.
Sauf si... car il reste les citoyens, les professionnels engagés pour la santé publique, qui seuls peuvent faire bouger leurs élus et représentants. Ils sont souvent aujourd’hui mal outillés, peu audibles, mal entendus… par manque de moyens mais aussi par manque d’organisation pour construire le « lobbying pour la santé » qui les opposera forcément dans les discussins ou autres activités plus ou moins secrètes avec leurs élus aux intérêts des grands producteurs de risque : il n’y aura probablement jamais consensus, mais forcément opposition d’intérêts divergents. Il faut apprendre à être efficace en ce sens, car c'est bien la base de l’action démocratique.
C’est ce que fait par exemple l’Alliance Prévention Alcool, en France, à la mesure de ses moyens. Un récent colloque organisé avec la Fédération Nationale de la Mutualité Française (FNMF) à Paris, auquel j’ai participé au titre de la SFSP (Société Française de Santé Publique, membre de l’Alliance), m’a permis d’aborder ce sujet des nouvelles stratégies de lobbying internationales des producteurs de risque ( Téléchargement Synthese_Colloque_Alcool_quel droit_10062014, ma contribution en page 25-26 du rapport).
Il existe aux USA un groupe de vigilance sur ces questions :Corporations and Health Watch [email protected]
Rédigé par : alfred Spira | 19 septembre 2014 à 21:26
Merci Freddy, je ne connaissais pas ce groupe et vais suivre leurs publications.
Rédigé par : yves Charpak | 19 septembre 2014 à 23:16