Oui, il est temps qu’on s’occupe de ça, de l’argent échangé entre les entreprises du médicament et les professionnels de santé. Ce qui se passaient dans les années 70-80 était scandaleux, affligeant, connu de tous mais la soupe était collective alors tout le monde s’en arrangeait, en premier lieu ceux dont le mandat aurait du les conduire à réguler, organiser, refuser.
Pas un grand patron de médecine pour dire que c’était trop, quand du petit déjeuner du staff de service au dîner avec des amis/confrères, les labos régalaient… et pas un gouvernant du système de santé pour s’en inquiéter, au contraire, ça permettait même de faire des économies sur les dépenses de recherche à l’hôpital et sur la formation des médecins. Pour l’anecdote, alors que j’avais un contrat avec le Ministère de la Santé pour analyser le bilan social des hôpitaux publics, au début des années 90, j’ai mis en évidence dans un tableau que là où on dépensait 2,5% de la masse salariale hospitalière pour la formation continue des salariés non médicaux, ce taux était de 0,5% pour les médecins. Réponse de mes interlocuteurs : pas de problème, ils s’arrangent avec les labos !!! « Tout bénef » pour tout le monde. Circulez, il n’y a rien à voir.
Mais la « loi anti cadeaux » dans les années 90 est passé par là pour réguler un peu… bon début. Et depuis, quelques scandales publics obligent, de nombreux dispositifs ont vu le jour, en particulier pour veiller à ce que les experts qui s’expriment sur des dossiers d’autorisation ou de régulation ne soient pas « en compte » avec ceux qui déposent les dossiers : il faut alors rédiger des DPI, « Déclarations Publiques d’Intérêt… qui doivent être publiées, affichées, et examinées avant chaque décision… Le problème comme toujours est « le tact et la mesure », comment passer de « rien » à un dispositif qui ne soit pas seulement juridico-administratif, destiné à protéger les institutions et leurs décideurs, mais aussi au bénéfice de la santé des citoyens, et donc efficace et efficient (au sens de l’optimisation de l’usage de l’argent public).
Car les professionnels contribuent beaucoup à des expertises dans de nombreuses institutions, dans de nombreux groupes de travail… et chacune a son format de DPI, ses exigences, son contexte… Il faut donc une DPI par institution, et il faudrait les changer en temps réel à chaque nouveau « lien d’intérêt »… Mais la changer en y mettant quoi ?
Le récent décret d’application de la loi sur le médicament « Décret no 2013-414 du 21 mai 2013 relatif à la transparence des avantages accordés par les entreprises produisant ou commercialisant des produits à finalité sanitaire et cosmétique destinés à l’homme Décret LRSS 21 Mai 2013_Transparence des Avantages» laisse perplexe sur ce point, en particulier sur le montant minimum de ce qui constitue un avantage à déclarer : 10 Euros ! Ce qui veut dire que la moindre réunion ou le moindre congrès où l’on offre un stylo, un petit déjeuner, ou quelques petits fours devront pouvoir être rattachés à une contribution d’un industriel… sous peine d’être coupable de non déclaration.
Les obsessionnels le feront peut-être, mais au tarif de leurs rémunérations le bon usage de l’argent public n’y gagnera sans doute pas, et les autres « omettront » sans doute le superflu, d’ailleurs pas toujours identifiable : il n’y a pas toujours une pancarte à l’entrée des colloques pour dire qui finance le croissant et le café mis à disposition. Attention donc, car le choix de « seuils » de déclaration auto-choisis (et jugés plus « pertinents ») créera des « hors la loi »… retour à la case départ, car en cas de problème les scandales seront facile à objectiver : vous avez oublier de déclarer votre petit déjeuner payé par le producteur de tel ou tel produit !!!
Certes, nos sociétés avancent par oscillations et ajustements… mais curieusement nous en France sommes souvent en retard sur les pays de développement identique pour agir et quand nous réagissons c’est souvent tellement démesuré que les autres nous regardent avec « surprise ». Un problème de gouvernance et de culture de ses acteurs ?
Et pour conclure, ne nous arrêtons pas là : il n’y a « pas que » les médecins… et il n’y a « pas que » les industries du médicament et du matériel de santé. Il y a d’autres activités commerciales liées au secteur de la santé, celles des services (cuisines, laveries, transports, etc.), celles équipements divers et du bâtiment, celles et de l’informatique… et donc n’oublions pas l’ensemble des décideurs de la santé et autres acheteurs publics dont les DPI ne sont pas encore d’actualité… ou pas publiques en tous cas.
l'objectif est de décridibiliser les médecins, de les faire passer pour des pancrasses
Rédigé par : Dr Isabelle GAUTIER | 29 août 2014 à 12:31