Je roule assez peu, mais en région Parisienne, grand chaos s'il en est sur les routes, et je suis parti en vacances sur les routes et autoroutes de France : je n'ai rien compris à la signalétique de vitesse en place. Signe précoce de vieillissement pour moi ou indicateur d'un problème plus large ?
Pour le professionnel de Santé Publique que je suis, il n'y a pas de doute scientifique : Oui, la vitesse tue sur la route. Et limiter la vitesse est une composante essentielle de la réduction du nombre de morts et de blessés sur les routes…
Mais en laisser la maitrise d’ouvrage à ceux qui gèrent les routes et leur utilisation (municipalités, préfets, police, services départementaux de l’équipement… voir même les services budgétaires locaux et nationaux) est une erreur qui dénature la compréhension par la société de son impératif.
Car rien d’autre que la santé ne justifie une limitation de vitesse. C’est bien pour réduire les risques pour les populations, ceux qui circulent et ceux qui sont mis en danger par les véhicules, que l’on agit sur la vitesse.
Il faut donc que les limitations soient en cohérence avec un objectif de réduction du danger. Il faut donc que ça soit à la fois compréhensible par tous, facile à identifier, simple et standardisé. Et des évaluations régulières d’impact de chaque mesure, y compris localement, seraient les bienvenues.
Lorsqu’en 2004 le Président de la République, Jacques Chirac à l’époque, a tapé du poing sur la table en découvrant les chiffres comparatifs de nos routes dans le rapport mondial de l’OMS consacré à la violence routière, il a changé le cours de cette hécatombe nationale : nos voisins Européens, en particulier Britanniques et du Nord étaient bien meilleurs que nous. Il a décidé tout simplement d’appliquer les mesures légales existantes, sur la vitesse et sur l’alcool au volant. Et ça a marché, la décroissance du nombre de morts et de blessés sur les routes a chuté de plus de 30%.
Malheureusement, il a fait aussi découvrir à nombres d’institutions publiques, dont l’Etat, que c’était économiquement très profitable immédiatement, une vraie mesure fiscale supplémentaire. Mais logiquement, les Français conduisant moins vite et plus respectueux des règles, la manne devrait se tarir, véritable indicateur d’efficacité des mesures prises.
Et c’est là que ça dérape. Qui aujourd’hui, même le plus respectueux des conducteurs, peut comprendre la logique des limitations de vitesses en place :
On passe de 80 sur des périphériques de villes, à 50 dans les brettelles de sortie ou sur des boulevards larges et à plusieurs voies, parfois 70 ou 110 sans explication ; puis 90 sur des débuts d’autoroutes, comme sur les nationales où le croisement est à l’inverse souvent à problème. Ensuite, la valse des panneaux sur autoroutes, travaux en cours, travaux anciens mais panneaux oubliés etc., conduisent à des limitations jamais respectées et créent du risque supplémentaire par la divergence des comportements des conducteurs. Qui décide : 30, 50, 70, 80, 90, 110, 130 ? Sur la base de quelles « connaissances » montrant la réduction des risques. Logique Polytechnique, Ecole des mines ou Ponts et Chaussées ? Ou Bercy ?
En tous cas, ceux qui s’y retrouvent sont ceux qui prélèvent le montant des amendes et ceux qui fabriquent les radars. Car la manne augmente alors les comportements s’améliorent… Ce devrait être l’inverse. Mais comme personne n’y comprend plus rien, il est facile d’installer des radars, non pas aux endroits les plus dangereux, mais là où on est sur qu’ils sont rentables, c’est à dire là où les limitations sont le plus probablement mal respectées car pas cohérentes…
La santé publique n’a rien à y gagner et il serait temps d’associer notre Direction Générale de la Santé à la stratégie de mise en place des limitations de vitesse en France… Mais y a t’il une stratégie en dehors de la nécessaire rentrée d’argent ?
Pour finir, l’occupation d’une part non négligeable de nos forces de police diverses à ce prélèvement d’argent frais n’est probablement pas non plus très profitable aux citoyens. Certes, ils payent ainsi leurs salaires, mais il n’est pas sur que leur fonction première, qui est d’assurer notre sécurité en générale, y gagne, dans un contexte de limitation des plafonds d’emploi.
Cher Yves,
Il y a très longtemps qu'il se dit au café du Commerce que les radars ne sont pas là où il y a des accidents, mais là où ils rapportent le plus. Ma grande frustration, c'est de ne pas connaître la publication qui cite au moins trois exemples permettant de donner crédit à ce lieu commun. Tu dis, par ailleurs, souhaiter comprendre les changements de limitation de vitesse tronçon par tronçon. L'ambition est louable. Surtout si elle n'est pas assortie de la menace implicite que si on ne comprend pas, on n'applique pas. Je crains d'avoir à suggérer que la sécurité routière est,-fort heureusement,- devenue une discipline d'expertise. Si les experts appartenaient à l'administration de la santé au lieu du ministère de l'environnement (à la solde, comme tout le monde le sait, de la Direction du Budget), on peut parier qu'ils prendraient les mêmes décisions et qu'ils agaceraient autant le profane. L'agacement du profane a d'ailleurs vocation à surgir un peu partout aujourd'hui. N'en voit-on pas se manifester même à la sortie des cabinets médicaux?
Très amicalement.
Rédigé par : Serge Karsenty | 26 août 2012 à 18:29