Et je vieillis, c’est sur maintenant, à 58 ans difficile de faire semblant d’oublier. Le surpoids (modéré, je vous assure) se fait sentir plus qu’avant, les articulations peinent un peu le matin, les traumatismes font plus mal qu’avant… Ma dernière chute à ski à Chamonix me fait encore mal, quelques côtes un peu chahutées… La peau prend une teinte moins attractive et une consistance qui fripe un peu à contre-jour… Sans parler du reste, les séquelles des accidents de planche à voile qui se rappellent douloureusement au quotidien sur la circulation veineuse, etc.
Le cerveau est efficace, l’expérience s’est consolidée, les connexions marchent… mais la mémoire demande des béquilles (électroniques, merci Steve). Bref, il est temps aussi d’en profiter car l’idée que ça n’est pas pour toujours est plus présente.
Et j’en profite pour ne pas être compètement d’accord avec certains de mes collègues qui publient et parlent du vieillissement en insistant surtout sur le"viellir en bonne santé" (Population ageing and health _ The Lancet), avec l'idée de « compression de morbidité » (vous n’êtes pas à la page : ça veut dire plus vieux et moins longtemps malade). J’y oppose l’idée qu’on vit plus vieux, mais avec de plus en plus de problèmes de santé divers qui s’accumulent, qui nous conduisent à consommer du traitement (pour moins souffrir, pour dépister, pour traiter plus tôt des maladies, pour compenser des déficits divers…) et qui nous permettent ainsi de bien vivre « comme si » tout allait bien. C’est ce que j’ai appelé être « malade en bonne santé » dans un article récent (Malades Bien portants). Et si par malheur le système de soins ne nous permettait plus cet ajustement permanent, en temps réel et au plus près, il me semble que nous ne tiendrions pas le coup aussi bien. Mais bien sur le système de soins devra être mieux ajusté à cette nouvelle sistuation pour être plus efficient car sa pérénité financière est en jeux.
J’irais plus loin :
- Pourquoi ne pas se préparer à des situations de crise, surtout si elles doivent être temporaires : stages de fauteuil roulant pour « le cas où » (quand c’est nécessaire, c’est très dur à manipuler et trop tard pour apprendre calmement) ; s’entrainer à se doucher et se laver avec un seul bras ; chercher les ascenseurs dans le métro ; cuire une omelette depuis un fauteuil roulant ; aller au supermarché en déambulateur avec un sac à dos ; etc.
- Ou encore, pourquoi ne pas intensifier la prévention : mettre une culotte rembourrée aux hanches pour amortir les chocs sur le fémur en cas de chute (airbag impossible ?) ; un casque de marche ; des protections de roller en permanence pour les coudes, genoux et poignets…
- Nous vivons tous avec des systèmes de localisation/GPS intégrés (téléphones, labtop communicants, voitures connectées…)… mais on a peur de laisser sortir de leurs institutions des personnes âgées qui ont moins de mémoire, parfois juste parce qu’elles risquent de se perdre… A quand le GPS généralisé autour du coup, avec options de guidage vocal de retour vers l’établissement et contact pour une « aide au retour » dans chaque guichet ouvert au public ?
Un peu de délire surement, mais il est temps de s’habituer à la structure d’âge nouvelle de nos populations de demain, dont une partie (j’en serai peut-être) aura des besoins mal couverts aujourd’hui, et lorsqu’ils le sont c’est d’une façon que les nouveaux consommateurs âgés n’accepterons plus.
Bref, même si ça ne fait pas rêver, il faut se construire une société sympa pour les très vieux… mais en bonne intelligence avec les plus jeunes car ils vont se sentir un peu seuls, en plus d’être stigmatisés en raison de leur énergie qui nous dérange et contre laquelle nous mettons toute notre énergie légiférante.
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